HADOPI : disparition par fusion

Les parlementaires se sont accordés en juillet dernier sur la fusion de la Hadopi et du CSA, qui formeront l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) au 1er janvier 2022. Le nouveau gendarme du droit d’auteur sur Internet poursuivra la même politique de « réponse graduée » et disposera de pouvoirs étendus contre les nouvelles formes de piratage. Au grand dam des critiques historiques de la Hadopi.

Après plus d’une décennie de loyaux services, la Hadopi doit tirer sa révérence à la fin de l’année. Créée fin 2009, la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet fusionnera au 1er janvier 2022 avec le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) pour former l’Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique). Pandémie oblige, l’examen de la grande réforme de l’audiovisuel qui devait organiser cette fusion a été suspendu début 2020. Il a fallu attendre plus d’un an pour que les parlementaires se penchent à nouveau sur le sujet. Députés et sénateurs se sont finalement accordés le 1er juillet dernier, en commission mixte paritaire, sur le fonctionnement de ce nouveau régulateur, qui reprend la mission de lutte contre le piratage de la Hadopi.

Sommaire

Hadopi, le bilan après 12 ans

Mise en place en 2009, Hadopi avait pour objectif de lutter contre le pirate en ligne et notamment le téléchargement en P2P (peer to peer) qui était à l’époque très répandu. La haute autorité avait mis en place le principe de la riposte graduée : les internautes qui étaient surpris à télécharger une œuvre illégalement recevaient d’abord un email d’avertissement. En cas de récidive dans les 6 mois, un 2e avertissement leur était adressé par courrier. Enfin, en cas de 3e récidive dans les 12 mois, le cas était examiné par la commission de protection des droits qui pouvait amener le dossier devant un tribunal. L’internaute encourrait alors une amende de 1 500 €.

Dans un rapport d’activité publié en 2019, Hadopi se félicitait : « Ce sont près de 13 millions d’avertissements qui ont été envoyés à des internautes ayant méconnu le droit d’auteur et, dans 70 % des cas, aucune réitération des faits n’est constatée après un premier avertissement ». Mais, en 2020, soit 11 ans après le lancement de Hadopi, NextImpact avait révélé le bilan financier de la haute autorité : 87 000 € d’amendes perçues pour 82 millions d’euros de subventions publiques perçues.

L’agence de régulation coûte donc cher en argent public. De plus, elle a perdu de son intérêt du fait de l’évolution des pratiques digitales. En effet, à présent le téléchargement en peer-to-peer ne représente plus qu’un quart des téléchargements illégaux. Le streaming et le téléchargement en direct étant devenus des pratiques beaucoup plus répandues, et contre lesquelles Hadopi ne peut pas agir. C’est pourquoi l’Arcom a été créée : l’organisme sera doté de pouvoirs plus grands et d’outils pour lutter contre les nouvelles formes de piratage en ligne.

Les trois nouvelles armes de l’Arcom

Pour mener à bien cette mission contre les contrevenants au droit d’auteur, le projet de loi dote l’Arcom de nouveaux outils. L’instance pourra d’abord constituer une liste publique des sites ou services qui « portent atteinte de manière grave et répétée, aux droits d’auteur ou aux droits voisins ». L’inscription de ces sites sur cette « liste noire » n’entraînera pas de poursuites automatiques, et n’est pas non plus un préalable nécessaire à une action en justice. Cependant, « la présence d’un site sur cette liste rendra plus fluide et rapide le travail du juge quand les ayants-droits le saisissent », défend la secrétaire générale de la Hadopi, Pauline Blassel. Cette liste doit aussi permettre aux entreprises du secteur (moteurs de recherche, services de paiement, annonceurs) de ne pas traiter avec les sites pirates.

Deuxième arme à disposition de l’Arcom : une nouvelle procédure permettant de lutter contre les « sites miroirs », qui reprennent tout ou partie du contenu d’un site illicite quand ce dernier a été fermé. Auparavant, il fallait reprendre la procédure à zéro pour agir contre ces sites, mais la loi va permettre à l’Arcom « d’empêcher l’accès à tout service de communication au public en ligne reprenant en totalité ou de manière substantielle » le contenu d’un site déjà condamné par la justice. Elle peut aussi demander son déréférencement aux moteurs de recherche. « Il était impensable de devoir retourner devant le juge pour agir contre un site miroir », justifie la députée LREM Aurore Bergé, qui défendait cette mesure ainsi que la création de la « liste noire » dans un rapport publié en 2018. Une troisième proposition de l’élue des Yvelines a également été reprise dans la loi de 2021 : une procédure judiciaire accélérée (dite de « référé ») pour faire cesser le live streaming illégal de compétitions sportives en direct, notamment de football.

Du peer to peer au live streaming

Ces nouveaux outils se veulent une réponse à l’évolution du piratage. « Je travaille pour la Hadopi depuis dix ans. On a vu le piratage toucher d’abord la musique via les services de peer to peer (ou P2P, comme eMule ou BitTorrent, ndlr) puis les progrès technologiques ont permis d’augmenter la taille des fichiers transférés, donc de pirater des vidéos. Puis de diffuser de la vidéo en direct. Et dès 2012, on a constaté l’émergence du téléchargement direct et du stream », raconte Pauline Blassel, qui juge le nouvel arsenal de l’Arcom « plus adapté » que celui de l’Hadopi, qui ciblait uniquement le P2P.

La bataille politique et juridique continue

Des sanctions plus rapides et plus simples pour accroître le pouvoir de dissuasion de l’Arcom, un pouvoir plus important dévolu à l’administration au détriment du juge… C’est exactement ce que craignent les opposants de la Hadopi. « L’absence de transaction pénale dans la loi est notre seul motif de soulagement, mais le reste des dispositions ressemble à un chèque en blanc donné par l’autorité judiciaire à l’administration », estime Martin Drago, juriste à La Quadrature du Net, l’association de défense des libertés sur internet, opposante historique de la Hadopi. Il dénonce notamment « le flou du dispositif de liste noire et la possibilité pour l’Arcom de bloquer des sites qui n’ont pas été désignés par l’autorité judiciaire ».

L’adoption définitive de la loi créant l’Arcom devrait intervenir à l’automne 2021. Mais cette mue d’Hadopi ne va pas mettre fin au débat politique sur le partage et le financement de la culture. D’un côté, La Quadrature du Net et d’autres acteurs anti-Hadopi continuent de prôner une reconnaissance du « partage non-marchand » des œuvres par Internet, notamment via certains services de P2P, et estiment que les droits culturels des individus justifient l’épuisement des droits d’auteur dans certains cas. Pour compenser la perte financière liée à cet épuisement, l’association défend une remise à plat du financement de la culture et évoque plusieurs pistes dans un document accessible en ligne (développement des coopératives d’auteurs, contribution fiscale, revenu universel, etc.).

Des pirates insaisissables ?

L’Hadopi est efficace contre les internautes qui téléchargent des contenus illégalement sur des plateformes de pair à pair ou P2P. Terme qui désigne l’échange entre un client qui possède un fichier (comme un film, par exemple, ou un document quelconque) et d’autres clients via une plateforme de téléchargement.

Une pratique très populaire dans les années 2000 mais qui ne représente aujourd’hui qu’une infime partie du piratage en ligne, selon BFMTV. Or l’efficacité de l’instance de contrôle est modeste dans la lutte contre le piratage ou téléchargement en direct, ou en streaming et notamment via l’IPTV.

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